Ce film est une
réalisation quasi exceptionnelle dans le cinéma amateur. Roland
MULLER, fidèle habitué du Festival Amateur de Cannes, où il a
présenté d’excellentes choses, s’est surpassé et a réalisé un
véritable chef-d’œuvre de prises de vues, se jouant des
difficultés, traitant sous les divers angles les mille aspects
de la construction d’un immense barrage, le plus grand du monde,
« La Grande-Dixence ». Réalisé en Suisse, ce film
extraordinairement beau, et remarquablement sonorisé, captivant
pour le spectateur a été la révélation du Festival du film
Amateur 1960 de Cannes et la plus monumentale réussite des 13
Festivals du Films Amateur de Cannes, que les organisateurs ont
vus.
Ce morceau de
bravoure, ce documentaire à scénario, traite à travers de la vie
de Mathieu Sierro, montagnard qui vient gagner de l’argent au
chantier d’un barrage. Les images sont extraordinaires :
qu’elles représentent l’immensité blanche des montagnes ou le
travail ardu des terrassiers et des foreurs.
Le commentaire,
qui est souvent poétique, s’aligne parfois sur le bruit des
machines : il devient heurté, haletant. Dans ce film
remarquable, extrayons la scène, où du concasseur à la pelle
mécanique, tous ces monstres d’acier s’unissent pour jouer une
symphonie à leur échelle.
Roland MULLER a
tourné l’essentiel des images en été 1958. Agrippé aux flancs de
la montagne, juché en équilibre instable sur les téléphériques,
les blondins, travaillant sur les crêtes des montagnes ou dans
le fond des galeries, fatiguant ses tympans du bruit des
concasseurs, des perforatrices, des marineuses ou des volées
d’explosifs, pataugeant dans les flaques, dévalant les
pierriers, ce hardi cinéaste a réussi à prendre une
extraordinaire séries d’images mouvantes qu’il a montées dans un
style à la fois moderne et poétique, et qu’il a placées sous le
titre tout simple « BARRAGE ».
Un scénario
légèrement romancé assure la continuité de l’action et sert de
fil conducteur à cette œuvre dont les couleurs sont splendides :
il s’agit de l’histoire d’un paysan que le manque d’argent
conduit au barrage, où l’attend un travail plus rémunérateur que
celui de la culture des champs. Mathieu Sierro quitte son
village et s’engage sur ce vaste chantier. Il aura pour
compagnon de travail un italien, Guido Ponti, bon camarade qui
guide ses premiers pas. Une imprudence sera fatale à Guido
Ponti : une chute mortelle au fond de la fouille conduira
l’ouvrier au cimetière du petit village, en face de la montagne
et du grand barrage pour lequel il s’était enthousiasmé. Mathieu
Sierro, lui, pourra fêter la première mise en eau de la haute
muraille, voir se créer ce vaste réservoir d’énergie grâce
auquel fument les usines, tournent les machines, roulent les
trains et brillent les enseignes multicolores.
Tous les
personnages figurant dans le film ont été pris sur place, parmi
les ouvriers des chantiers, sauf Mathieu Sierro, le héros de
l’histoire, dont le rôle a été confié à Robert Haenni.
C’est un italien
habitant Bramois, Lino Pizzinati, qui tient avec un naturel
parfait le rôle de Guido Ponti.